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Les chaussures connectées font du pied aux wearables

Mickaël Bazoge

mardi 26 février 2019 à 20:30 • 19

Wearables

L’informatique vestimentaire se décline en plusieurs accessoires dont aucun n’est réellement indispensable, quand on y pense : personne n’a besoin de porter de montre et il existe des substituts pour les lunettes. Et si finalement le wearable ultime, c’était… la chaussure ?

Ce début d’année marque un nouvel engouement des équipementiers sportifs pour les technologies connectées. Nike a lancé ses Adapt BB, suivi dans la foulée par Puma avec sa technologie Fi. Les deux fabricants veulent optimiser le serrage des chaussures autour du pied de l’utilisateur en fonction de son utilisation (activité sportive plus ou moins intense, casual…).

Au-delà de la technicité de ces chaussures — et elle est remarquable —, ces produits ont aussi la particularité de communiquer avec un smartphone. Ce qui peut d’ailleurs se révéler une complication, comme Nike le constate avec la version Android du firmware des Adapt BB qui « brique » une chaussure sur deux.

La technologie fait partie intégrante de l’ADN des équipementiers sportifs. À l’image de nos gadgets électroniques, c’est l’innovation qui fait vendre des baskets. En 2017, Nike était le 99e plus important détenteur américain de brevets (Apple était 12e, IBM premier).

Les fabricants de chaussures ont une place centrale à prendre dans un futur dominé par l’informatique vestimentaire. Si on peut se passer de l’Apple Watch et de lunettes connectées, en revanche il est impossible de sortir sans pompes aux pieds. Et les chaussures ont tout à gagner à marcher main dans la main avec le smartphone au cœur de nos vies connectées.

Le précédent Nike+iPod

Les chaussures connectées ne datent pas de ce début d’année, ni même de l’ère iPhone. En fait, la liaison suivie entre Apple et Nike remonte à 2006 avec le kit Nike+iPod. Le dispositif se composait d’un émetteur à glisser dans la chaussure et d’un récepteur à brancher sur le connecteur 30 broches des iPod de l’époque (dès 2008, l’iPod touch était en mesure de récupérer les données du caillou sans module supplémentaire).

Nike+iPod était indéniablement une bonne idée qui a marqué une étape importante dans la collaboration entre Apple et Nike. Et, au passage, ce kit a durablement installé dans les esprits que l’iPod (et plus tard l’iPhone) se posait comme un indispensable de l’équipement du sportif !

Mais aussi amusant et abordable qu’il soit (le kit était vendu 29 €, moitié moins cher que le moins cher des bracelets Apple Watch !), cette solution de suivi de running était limitée : calcul de la distance parcourue, du temps de course, du rythme et des calories brûlées. Ni GPS, ni fréquence cardiaque, ni analyse de la foulée… Bref, on était encore dans les balbutiements du suivi de l’activité physique.

Les chaussures connectées prennent la route

Depuis ces temps glorieux, plusieurs fabricants ont emboîté le pas. Depuis 2014, le français Digitsole met au point des semelles connectées spécialisées : il existe un modèle pour cycliste, un autre pour les coureurs, et un dernier pour… réchauffer les pieds froids ! Ce n’est pas la plus mauvaise des idées.

La semelle de course est, sur le papier, particulièrement intéressante : elle se propose en effet d’analyser la foulée en prenant en compte la position des pieds dans l’espace. L’analyse qui ressort de cette mesure permet d’éviter les mauvais gestes et les blessures. Par ailleurs, on y trouve un tracker de mouvements qui relève la vitesse, la distance parcourue, les calories brûlées et les temps de course.

Au CES 2015, Altra Running présentait sa chaussure connectée HALO, une technologie développée par iFit. En plus d’une connexion avec les smartphones et les montres connectées de l’époque (l’Apple Watch n’était pas encore sortie), cette basket intégrait une semelle bardée de capteurs permettant de mesurer la pression exercée par le pied sur le sol à chaque foulée.

Un modèle IQ avec son capteur intégré à la semelle.

En relevant en temps réel la cadence et l’impact de la foulée ainsi que les zones d’appuis, cette basket promettait d’améliorer la manière de courir en modélisant la foulée du coureur. Une belle idée sur le papier, qui s’est poursuivie et affinée deux ans plus tard avec la gamme IQ, qui ajoute au lot un coach vocal pour la motivation en course. L’app relève les zones d’impact et donne des conseils pour améliorer la foulée.

Cette paire de chaussures est commercialisée à 200 $. Il y a une boutique en ligne aux États-Unis, mais pas en Europe. Il faudra fureter dans les bons vieux magasins de running en dur.

Autre exemple technologiquement moins complexe mais plus abordable : il y a un an presque jour pour jour, Under Armour dévoilait sa nouvelle gamme de chaussures de course HOVR dont la conception des semelles promet résistance et souplesse. Les modèles de cette famille — Phantom, Sonic, Guardian et le tout récent Infinite — se déclinent en version connectée.

La puce qui communique avec l’application Record est logée sous le logo UA.

L’éventail des informations recueillies par le capteur, placé dans le talon des chaussures UA, reste assez limité : allure, longueur de la foulée, distance parcourue et nombre de pas. Mais ces pompes ont ceci d’intéressant qu’elles sont relativement abordables, de 130 à 150 €.

Les chaussures connectées ont donc bien évolué depuis le kit Nike+iPod ! Malgré tout, cela reste un marché de niche. En dehors des baskets sportives, on ne trouve pas de chaussures de ville connectées par exemple. Plusieurs obstacles sont sur la route, à commencer par la gestion des batteries.

Le support de recharge des Adapt BB. @Cnet.

Il faut brancher un câble à la semelle de Digitsole pour la recharger. La paire d’Adapt BB de Nike doit régulièrement reposer sur sa base de charge par induction. Pas de recharge pour la batterie du capteur des chaussures IQ d’Altra, dont l’autonomie est de 80 à 100 heures. Il faudra remplacer le composant quand ce dernier rendra l’âme.

Et Apple dans tout ça ?

En concentrant de plus en plus de ressources sur le suivi des activités sportives et de la santé, il ne serait pas étonnant de découvrir un jour ou l’autre qu’Apple planche aussi sur des chaussures connectées. Un brevet déposé en février 2017 par le constructeur décrit certes un capteur à glisser dans une chaussure… mais il s’agit d’en déterminer l’usure !

Peut-être que dans le secret de son laboratoire clandestin, Apple développe quelque chose d’un peu plus consistant. En tout cas, le secteur devrait franchir un nouveau cap si d’aventure Verily parvenait à ses fins. La filiale d’Alphabet, maison-mère de Google, cherche des partenaires pour développer des chaussures capables non seulement de peser l’utilisateur, mais aussi d’en mesurer les mouvements et, le cas échéant, de détecter les chutes.

Des baskets aux couleurs d’Apple avaient été produites dans les années 90. Sans aucune technologie à l’intérieur… Depuis, elles se revendent très cher sur eBay !

Selon CNBC, un prototype aurait été présenté il y a quelques mois lors de réunions discrètes. Ce projet recèle un potentiel qui va au-delà des sportifs, et qui marche sur les platebandes d’Apple en matière de santé.

La détection des chutes est une des nouveautés de l’Apple Watch Series 4. Quant au suivi du poids, c’est un élément déterminant dans le suivi global de la santé. Pourtant, Apple n’a rien à proposer dans ce domaine, préférant se reposer sur les balances connectées de constructeurs tiers. Apple a-t-elle réellement envie que Verily lui donne le coup de pied de l’âne alors que le constructeur était en avance sur son temps avec le kit Nike+iPod ?

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