Une montre aux lignes rondouillardes et aux couleurs pétillantes. Un mouvement connecté engoncé dans un boitier en plastique. Un configurateur en ligne pour choisir parmi 5 850 combinaisons possibles. Une description de la première connectée de Swatch ? Eh bien non : il s’agit de la Move, la montre connectée la moins chère du catalogue de Withings, mais aussi la plus fun. Et « Made in France », pour ne rien gâcher.
Disons-le tout de suite : la Withings Move est une montre connectée dans le sens le plus strict du terme. C’est une montre, parce que ses aiguilles donnent l’heure ; connectée, parce qu’elle communique avec votre téléphone par le biais d’une connexion Bluetooth. Ce n’est absolument pas un ordinateur de poignet, mais plutôt traqueur d’activité sous la forme d’une montre. Et vous savez quoi ? Ce n’est pas forcément plus mal. Pas besoin de lever le poignet pour lire l’heure, voire de le secouer, un regard oblique suffit.
Disons-le aussi : la Withings Move est une montre « Made in France » dans le sens le plus lâche du terme. Les modèles de la série « Basic Essentials », déclinés dans quelques coloris simples et vendus 69,95 €, sont fabriqués en Chine. Les montres personnalisées sont assemblées dans la « Manufacture Withings », à Issy-les-Moulineaux, mais leurs composants restent majoritairement chinois. Au sens légal toutefois, la Move peut se prévaloir de l’estampille « Made in France », puisqu’elle « subit sa dernière ouvraison ou transformation substantielle, économiquement justifiée » dans l’Hexagone.
Et puis le cadran, lui, est « imprimé » en France (lire : Dans la manufacture où Withings assemble la montre Move connectée « Made in France »). Voilà qui ouvre des possibilités, à commencer par la configuration de la montre à la commande. Le configurateur en ligne permet de choisir parmi :
- douze cadrans : uni (blanc, noir, et bleu foncé), Smart Dot (corail, gris, bleu glacier, bleu foncé, vert menthe, rouge rubis, et bleu mer), et terrazzo (récif, granite, et moderne) ;
- cinq boitiers : blanc, noir, gris, bleu glacier, bleu foncé ;
- dix aiguilles de suivi d’activité : gris, noir, jaune doré, vert menthe, corail, bleu mer, blanc, rouge rubis, bleu glacier, et bleu foncé ;
- neuf bracelets : gris, noir, vert menthe, bleu marin, corail, rouge rubis, bleu glacier, bleu foncé.
Nous avons ainsi choisi d’allier le bleu foncé façon iGeneration au corail façon WatchGeneration, un choix relativement sage, mais qui fait son petit effet. Ce n’est que l’une des 5 850 combinaisons possibles… mais pas forcément souhaitables. Ne parlons pas des associations plus ou moins heureuses, puisque les gouts et les couleurs ne se discutent pas, mais plutôt de lisibilité.
Fidèle à ses habitudes, Withings emploie des aiguilles en laiton fines et plates, qui « n’attrapent » pas la lumière. Dans le même temps, les courbes de la glace bombée en plastique attirent les reflets. Or les aiguilles sont le seul composant visible qu’il n’est pas possible de personnaliser. Leur lisibilité n’est pas toujours parfaite sur le cadran blanc ou les cadrans « Smart Dot » au fond blanc, et toujours précaire sur le (magnifique) cadran Terrazzo.
Vous aimez le bleu ? Entre le bleu foncé, le bleu glacier, et le bleu marin, vous serez comblé. Vous préférez le rouge ? Espérons que vous n’avez rien contre le bordeaux. Vous êtes un obsédé du vert ? Vous êtes mieux loti que les amateurs de jaune ou de violet, mais vos options sont limitées à deux coloris bien pâlichons. Les graphistes de Withings ont ignoré des parties entières du spectre colorimétrique, et préféré les tons pastel.
Faut-il le déplorer ? Pas encore. Withings produit les cadrans « Smart Dot » et « Terrazzo » à Issy-les-Moulineaux, à l’aide d’une imprimante industrielle chargée d’encres UV, qui traite des lots de 70 cadrans. Armé de cette machine, le fabricant veut produire de petites séries aux couleurs d’une entreprise ou d’une institution. Mais il peut aussi multiplier les collections : si nous avons vu des cadrans siglés « La French Tech » ou « MoMA », nous avons aussi aperçu des cadrans dont les couleurs et les motifs pourraient faire un carton.
Donnons quelques mois à Withings, le temps de roder la chaine d’assemblage et d’étudier les carnets de tendance. Mais si le fabricant français laisse passer la saison estivale sans proposer quelques couleurs plus vives, on saura à quoi s’en tenir. Espérons qu’entretemps, Withings aura réglé les bugs de son configurateur, plus esthétique que pratique. L’outil de personnalisation proposé sur le site d’Amazon est moins joli, mais plus facile à manipuler et plus fiable.
Le prix de la personnalisation ? Dix euros. Les plus chauvins diront que les petites étiquettes « Made in France »1, le minuscule drapeau tricolore frappé à trois heures sur le cadran « Smart Dot », et la satisfaction de contribuer au financement de trois emplois, valent bien ce surcout de 13 %. Ces quelques euros sont aussi l’assurance que votre montre, comme toutes les montres qui traversent la « Manufacture », a passé plusieurs contrôles au cours de son assemblage2.
La boite de 38 mm de diamètre est fabriquée en plastique, comme la glace dont les courbes portent l’épaisseur à 12,9 mm. Après un mois d’utilisation quotidienne, ponctué par un test de résistance mécanique et quelques chocs involontaires, notre modèle de test n’a pas pris la moindre rayure. Mais il a pris la poussière : la transition entre la glace et la boite, puis entre la boite et le fond en acier, forme deux petites lèvres dans lesquelles les saletés viennent se nicher.
Les bracelets en silicone de Withings sont souples, et celui de la Move l’est encore plus que d’habitude. Grâce à ses pompes flash, vous pourrez l’échanger rapidement contre n’importe quel autre bracelet de 18 mm de large. Et vous devrez le changer : sa boucle assortie en plastique, qui concentre la tension du bracelet et encaisse les chocs du poignet, finira par casser. Au moins participe-t-elle à la légèreté de la Move, qui se fait oublier sur le poignet, avec son poids plume de 32 grammes.
Puisque cette montre s’appelle « Move », bougeons. En gardant à l’esprit que les appareils portés au poignet sont toujours plus optimistes que ceux portés à la taille, le comptage des pas apparait raisonnablement fiable. La progression de l’aiguille d’activité est toujours aussi plaisante, surtout lorsqu’on la surprend à revenir sur ses pas, puisqu’il s’agit d’une aiguille rétrograde, au moment où l’on atteint l’objectif que l’on s’est fixé dans l’application Health Mate.
Appuyez une seconde sur le bouton qui prend la place habituellement dévolue à la couronne, jusqu’à sentir une petite vibration, pour activer le suivi des activités sportives. La montre se transforme alors en chronomètre : l’aiguille des minutes compte les secondes, l’aiguille des heures compte les minutes, et l’aiguille d’activité compte les pas effectués lors de la séance. C’est plutôt malin, et l’on peut toujours revenir à l’affichage de l’heure en appuyant deux fois sur le bouton.
Si vous avez oublié de lancer l’enregistrement, la montre et l’application restent capables de reconnaitre quelques activités basiques, comme la course à pied et la natation. Les sportifs accomplis se tourneront plutôt vers le Pulse ou la Steel HR, plus maniables avec leur écran et plus précis avec leur cardiofréquencemètre, voire d’autres produits plus spécialisés. Reste que la Move bénéficie des mêmes fonctions de GPS connecté, et peut tout à fait convenir aux coureurs du dimanche.
La Move ne suit pas seulement l’activité, mais aussi le sommeil. Regardez l’alternance des phases du sommeil avec circonspection : les tracés sont d’une fiabilité douteuse, et vous ne pouvez pas vraiment agir sur la profondeur de votre sommeil, qui pèse pourtant de manière disproportionnée dans le « score de sommeil » décerné par Withings. Concentrez-vous plutôt sur l’heure de coucher et de lever, un indicateur d’hygiène du sommeil beaucoup plus tangible, au cœur du programme « Rituel de sommeil » proposé par Health Mate.
Dans ce contexte, la Move fait un formidable réveil silencieux. Le vibreur est suffisamment fort pour vous réveiller, mais pas si fort qu’il réveille votre partenaire et vos voisins. L’application permet de régler plusieurs réveils, un pour la semaine et un pour le weekend par exemple, avec une fenêtre de « réveil intelligent ». Vous avez réglé un réveil à 6 h, mais la montre vous sent remuer dès 5 h 45 ? Elle vous réveillera plus tôt, lorsqu’il est plus facile de vous tirer du lit.
Avec sa pile CR2430, la Move suivra votre activité le jour et votre sommeil la nuit pendant dix-huit mois… en théorie. L’expérience des anciennes Activité et de la Steel nous fait dire que l’autonomie réelle devrait être plus proche de l’année, ce qui est déjà remarquable. Mais alors que la pile de la Steel se change en deux minutes, il n’est pas recommandé d’essayer de remplacer la pile de la Move soi-même. Vous devrez donc passer chez l’horloger, et vous acquitter de frais qui représenteront une part conséquente du prix de la montre.
C’est indubitablement le point noir de la Move, qui pose des questions sur la viabilité de cette montre à long terme. C’est dommage : sous tous les autres aspects, y compris le placement tarifaire, elle ressemble à la montre connectée que Swatch aurait dû lancer depuis des années. À ceci près que l’on peut changer la pile d’une montre Swatch en trente secondes (ou rapporter la montre en boutique pour un changement gratuit).
La mesure du succès de la Move tiendra dans la capacité de Withings à soutenir l’offre de personnalisation. Le fabricant français ouvrira une « Manufacture » aux États-Unis dans le courant de l’année — une montre « designed in France and made in the USA », cela devrait faire parler. Mais il lui faudra surtout multiplier les couleurs, les motifs, voire les textures. La Move, c’est certain, doit bouger.
- La Move au nom so british est « Made in France », l’Activité au nom bien franchouillard était « Swiss Made », allez comprendre. ↩︎
- Voilà qui justifie peut-être que le configurateur permette de récréer les modèles de la collection « Basic Essentials » sans autre forme de procès. Les petites mains de la « Manufacture » perdent du temps à assembler un modèle déjà produit en Chine, le client paye 10 € supplémentaires, mais… ↩︎