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Test du Plume Flow, un capteur personnel de pollution de l’air

Anthony Nelzin-Santos

vendredi 08 février 2019 à 12:00 • 57

Matériel

Si vous êtes attentifs à la qualité de l'air, vous connaissez sans doute l'application Plume Air Report. Avec ses indicateurs colorés et ses notifications proactives, elle permet de savoir en un clin d'œil s'il est prudent d'aller faire un jogging ou une sortie avec les enfants. Mais elle fonctionne à l’échelle d’une ville, où la pollution peut varier d’un quartier à l’autre, d’une heure à l’autre.

Les Français de Plume Labs veulent aller plus loin : pour prendre « une longueur d’avance sur la pollution », il faut mesurer la pollution à l’échelle de la rue, voire à l’échelle de la personne. Lorsqu’ils ont fixé des boitiers au dos de pigeons londoniens, en 2016, on a d’abord cru à une blague. Sauf que le communiqué de presse montrait déjà des boitiers attachés aux sacs à dos des cyclistes.

Le Plume Flow.

Le Plume Flow, un « capteur personnel de pollution de l’air », est la conclusion logique de cette expérience. Ce petit boitier dessiné par Frog Design, dont la forme évoque vaguement celle des sonnailles, est un bel objet. Engoncée dans la discrète station d’accueil, sa dentelle d’acier inoxydable trônera fièrement au milieu de vos babioles. Sauf que le Flow n’est pas fait pour rester posé sur une crédence.

S’il possède une sangle en « cuir vegan », c’est-à-dire en plastique, c’est pour être attaché. Fixé à votre sac à dos, glissé dans votre brassard, voire pendant à votre ceinture, il doit vous suivre dans tous vos déplacements. Connecté à votre téléphone par l’entremise de sa puce Bluetooth LE à son application compagne, il superpose ses mesures de qualité de l’air à la carte de vos pérégrinations.

Un « mini-ventilateur automatisé », qui tourne à 15 000 TPM malgré son diamètre de cinq millimètres, aspire l’air ambiant à travers les trous disposés tout autour de l’appareil, une « entrée d’air 360° » élégamment déguisée. Plume assure qu’il faut tendre l’oreille pour entendre son « doux ronronnement », mais vous n’aurez aucun mal à entendre son sifflement régulier dans un environnement calme.

La sangle et les petits trous qui parsèment le capot du Flow. Ils n’ont pas qu’une fonction esthétique : ils permettent l’entrée d’air aspiré par le mini-ventilateur.

L’air passe entre un laser et une cellule photovoltaïque, les deux éléments d’un capteur à diffraction, qui permet de compter les particules en suspension. Plume s'intéresse plus particulièrement aux PM10, d'un diamètre aérodynamique inférieur à 10 micromètres, qui peuvent pénétrer dans les bronches, parmi lesquelles les PM2,5, d'un diamètre aérodynamique inférieur à 2,5 micromètres, qui peuvent pénétrer les alvéoles pulmonaires.

Deux membranes sont ensuite chauffées à 250 °C pour attirer les composés organiques volatils (COV), des milliers de substances dont certaines peuvent avoir des effets nocifs, et le dioxyde d’azote (NO2), polluant toxique associé à la circulation automobile et la production industrielle. La modification des caractéristiques électriques des membranes permet d’estimer la concentration des polluants, sans toutefois pouvoir distinguer les différents COV1.

Les données brutes sont analysées — on vous passe le laïus habituel sur l’intelligence artificielle — pour obtenir des mesures en microgrammes par mètre cube pour les particules fines, et en parties par milliard pour les COV et le NO2. Ces mesures sont enfin « traduites » en AQI, un index de qualité de l’air propre à Plume.

Trois exemples de données présentées par l’application, un trajet (à gauche) et deux résumés quotidiens, avec trois niveaux de pollution différents. Le trajet est très instructif : la pollution devient « très forte » alors même que l’on aborde la Creuse… parce que l’on est monté dans une vieille voiture diesel au sortir du train. Le résumé au centre reprend l’ensemble de la journée pendant laquelle ce trajet avait eu lieu : les données sont lissées. Le résumé à droite montre une première synchronisation après quelques jours : il faut attendre plusieurs heures avant que les capteurs soient étalonnés, et que les mesures soient fiables.

L’application donne cinq AQI : un AQI global, qui donne une idée du niveau général de pollution, et un AQI par polluant analysé, qui fait ressortir une pollution particulière. Si cet index facilite la compréhension, il empêche toute comparaison directe avec d’autres appareils. Disons que les données du Plume Flow semblent cohérentes avec celles produites par des capteurs traditionnels.

Ce qui ne veut pas dire qu’elles sont exemptes de tous reproches. Le Flow doit pouvoir « se reposer », pour reprendre les mots du directeur des communications de Plume, pour étalonner ses capteurs. Autrement dit : s’il est continuellement exposé à une forte concentration de dioxyde d’azote, ses mesures perdront progressivement en précision, un phénomène de dérive qui n’est pas entièrement compensé de manière logicielle.

Ne parlons pas des bugs exceptionnels : celui qui a provoqué un affolement des compteurs dans la nuit du 31 janvier au 1er février, après l’installation précoce d’un nouveau firmware, n’a eu qu’une portée limitée et a été résolu très rapidement. Parlons plutôt des interrogations quotidiennes : le Plume Flow montre bien l’« exposition personnelle en temps réel », mais l’application échoue dans son rôle de « guide évolutif pour adopter les bons réflexes ».

Les diodes qui entourent le bouton tactile donnent un aperçu instantané du niveau de pollution.

Elle ouvre les yeux, c’est incontestable, mais ne permet pas d’y voir beaucoup plus clair. Elle est entièrement concentrée sur l’instant t : elle montre la pollution d’un lieu, d’un trajet, d’un jour. Mais c’est déjà le travail du matériel ! Il suffit d’une pression sur son bouton tactile pour savoir si la qualité de l’air est bonne (diodes vertes) ou exécrable (diodes violettes).

Vous voulez savoir si la qualité de l’air était meilleure hier ?Vous voulez savoir si vous devriez choisir un trajet plutôt qu’un autre ? L’application ne propose aucun outil comparatif, aucune carte des moyennes par semaine ou par mois, pas de récapitulatif périodique ou de courbe comparative des différentes expositions, aucune vue d’ensemble.

Pire : alors même que les données collectées sont centralisées, elles ne sont pas remontées pour former une carte collaborative, à la façon de la « Weathermap » de Netatmo. La vidéo de présentation du produit montrait pourtant cette fonction2, et le blog de Plume la mentionne encore. Bref : l’application Flow permet de savoir ce que l’on s’est pris dans la tête aujourd’hui, mais pas de prendre « une longueur d’avance sur la pollution », du moins pas sans faire le travail d’analyse soi-même.

Le Plume Flow vue de dos, sur sa station d’accueil. L’appareil comme la station possèdent un port USB-C.

Le cliché instantané n’est pas inintéressant, mais il pourrait carrément être précieux si l’on pouvait ajouter des remarques qualitatives aux données quantitatives. Imaginez que vous puissiez noter vos gênes respiratoires ou vos crises d’asthme, et que l’application puisse vous indiquer après quelques semaines les seuils déclencheurs et les lieux à éviter ! Voilà qui justifierait totalement le prix de l’appareil.

On comprend que Plume demande 179 € : le Flow intègre un système sur puce cadencé à 64 MHz, une petite merveille de ventilateur, un granulomètre à diffraction laser et des éléments chauffants, le tout dans un joli châssis. Mais cela le cantonne à une niche de clients suffisamment sensibles pour n’être pas satisfait des applications et pour supporter les particularités du Flow.

Les capteurs sont étalonnés pendant la synchronisation : sans synchronisation, les mesures dérivent après quelques jours, et le Flow vous promet une mort imminente par étouffement, même si la qualité de l’air est excellente. Or la synchronisation en arrière-plan n’est pas particulièrement fiable. Oubliez de jeter un œil aux données pendant un weekend de trois jours, et vous passerez la journée du lundi à attendre le bon étalonnage des capteurs et le retour des mesures à la normale.

Avec un iPod nano, pour l’échelle. Le Flow mesure 12,5 centimètres de haut, sangle comprise, pour un poids de 70 grammes.

Vous avez oublié de jeter un œil au Flow lui-même ? Les mesures ne dériveront pas… parce que la batterie sera tombée à plat. De la même manière qu’il vaut mieux le synchroniser quotidiennement, il faut recharger l’appareil tous les jours. En prenant soixante mesures par heure, Plume n’économise pas la batterie. La fréquence pourrait être modulée en fonction des déplacements — après tout, le Flow possède un accéléromètre.

Voilà qui nous laisse sur une impression mi-figue mi-raisin. Même si le Plume Flow est un petit concentré de technologie magnifiquement présenté, son prix dissuadera jusqu’aux personnes qui possèdent déjà une station météo à capteurs de COV et utilisent déjà des applications de suivi de la qualité de l’air. Reste la clientèle la plus sensible : les parents avec des enfants en bas âge, les personnes qui souffrent de troubles respiratoires, les « vélotaffeurs » et les sportifs citadins.

Plume ne fournit qu’une solution partielle à leurs problèmes. Faute d’être soutenu par une application qui permettrait d’exploiter les données sur plusieurs mois, le Flow est un outil plus réactif que proactif. C’est un bon début, un début prometteur, et même impressionnant sur le plan matériel. Mais est-ce que vous voulez dépenser 179 € dans une preuve de concept ?


  1. Dont les effets sont très variés, de la simple et bénigne odeur aux effets cancérigènes, en passant par les irritations et les allergies. Tous les COV ne sont pas d’origine humaine, comme le benzène utilisé dans la production de plastiques et de solvants, aux effets cancérigènes et génotoxiques, bien au contraire. ↩︎
  2. Et une interface plus proche de celle d’Air Report. ↩︎
illustration magazine 25 ans

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