D’un côté, les « traqueurs à aiguilles », des montres à quartz capables de compter les pas. De l’autre, les « montres connectées », de petits ordinateurs que l’on porte au poignet. Entre les deux ? La Steel HR, espère Withings, qui la vend 189 €. Comme son nom l’indique, la nouvelle tocante de la filiale de Nokia est dotée d’un cardiofréquencemètre ; comme son nom ne l’indique pas, elle intègre aussi un écran monochrome circulaire.
Sans devenir un gadget électronique, elle n’est donc plus une simple montre. Elle est même plutôt complexe, avec son cadran principal pour bien évidemment donner l’heure, son cadran secondaire dédié au suivi de l’activité redessiné et déplacé à six heures, et donc un écran capable d’afficher quelques informations à douze heures. Le modèle sur fond noir est sans doute plus lisible que le modèle sur fond blanc : les fines aiguilles chromées s’en détachent plus nettement, et l’écran OLED s’y fond élégamment.
Cela explique peut-être pourquoi Withings propose deux modèles sur fond noir, mais un seul modèle sur fond blanc. Le boitier de la Steel HR est décliné dans deux tailles et deux styles : le 36 mm reprend l’esthétique vaguement scandinave des autres montres de Withings, le 40 mm que nous avons testé évoque plutôt l’esprit des montres de plongée. Cette évolution du langage visuel de Withings est bienvenue après deux ans, mais ajoute encore à la confusion qui règne dans la gamme.
La Steel HR comporte deux logos Withings différents, le logo corporate sur la boucle du bracelet, et un logo inauguré par la Steel sur le fond du cadran. La Steel qui s’appelle en fait « Activité Steel », comme l’« Activité Pop », mais on dit bien « Steel HR », pas « Activité Steel HR ». C’est encore trop simple pour vous ? Parlons des bracelets, alors : la Steel HR de 36 mm accepte les bracelets pour… « montres Activité » d’une largeur de 18 mm, mais la Steel HR de 40 mm demande des bracelets d’une largeur de 20 mm… que Withings ne vend pas.
Quoique regrettable, cette indisponibilité s’explique sans doute par les particularités du bracelet de la Steel HR. Son profil s’affine à mesure que l’on s’éloigne des cornes, pour s’épaissir à nouveau près de la boucle, qui agit comme un passant dont la manipulation n’est pas toujours aisée. Lisse là où les autres bracelets en silicone de Withings sont texturés, il est plus élégant, mais moins confortable lorsque l’on transpire.
Comme Apple et Google, Withings en est pourtant venue à la conclusion qu’il valait mieux insister sur l’aspect « connecté » plutôt que sur l’aspect « montre », d’autant que l’Activité Swiss made originale a été reléguée aux oubliettes. La filiale de Nokia parle de « performance », de « santé », et, oui, d’« activité », mais il semble que tout le monde n’ait pas reçu le mémo. Puisqu’elle dit aussi que cette montre met « vos données au bout des doigts », parlons donc de ce fameux écran.
La Steel HR ne possède pas plus de couronne que les autres montres de Withings : l’excroissance sur le côté droit n’est qu’un bouton. Une pression, et l’écran s’allume en blanc sur noir, comme sur le Pulse Ox dont la Steel HR n’est finalement qu’une réincarnation. Ne vous attendez donc pas à retrouver les fonctions de watchOS ou Android Wear — ce petit écran permet d’abord et avant tout de vérifier la date du jour, de suivre son activité d’un œil, et de relever son rythme cardiaque.
« HR » pour heart rate : la montre de Withings intègre donc un cardiofréquencemètre. Et quel cardiofréquencemètre ! Comparé à un dispositif médical à la fiabilité prouvée, il s’est montré toujours plus précis que celui de l’Apple Watch, qui n’est pourtant pas approximatif. S’il n’envoie pas encore ses mesures vers Santé, c’est qu’il en prend beaucoup, énormément même, fournissant de véritables courbes pendant le sommeil et les exercices.
Des exercices que l’on peut lancer d’une pression longue sur le bouton : si la montre détecte automatiquement des activités comme la course ou la natation, elle passe à côté d’exercices « statiques » comme le renforcement musculaire ou le vélo d’appartement. Son estimation de la dépense calorifique est à peu près aussi farfelue que celle de l’Apple Watch, puisqu’elle ignore à peu près tout du métabolisme de l’utilisateur.
De la même manière, elle rate fréquemment les premières minutes du sommeil, mais est suffisamment précise pour repérer les siestes ou suivre les nuits mouvementées et fragmentées. Comme les autres appareils de suivi du sommeil du genre, ses données ne sont pas inintéressantes, mais sont encore loin d’être comparables à celles issues de dispositifs médicaux autrement plus complexes et hors de portée du quidam.
Mais revenons à l’écran : si vous ne l’allumez pas en appuyant sur le bouton, il s’allumera de lui-même à la réception d’un message ou d’un appel, ou bien d’une alerte de calendrier. D’autres montres connectées à aiguilles sont capables de signaler l’arrivée d’un message, mais la Steel HR annonce aussi son expéditeur, à défaut de pouvoir afficher son contenu complet.
Certains y verront un inconvénient éliminatoire, d’autres y verront un avantage décisif. Aussi brève qu’elle soit, la notification suffit à se décider à sortir son téléphone ou pas. Elle est signalée par une vibration discrète et apparait sans que vous ayez besoin de lever le bras, ce qui vous permet d’y jeter un coup d’œil sans attirer les regards indiscrets. La proposition de Withings est indéniablement limitée, mais elle ne manque clairement pas d’intérêt.
Et puis elle n’est pas limitée par des considérations énergétiques : une fois rechargée, la Steel HR remplira son office pendant deux à trois semaines. Cette durée, certes inférieure au nombre de 25 jours avancé par Withings, est un bon compromis entre les quelques jours d’un appareil comme la Pebble (un rythme suffisamment irrégulier pour que l’on oublie de recharger au bon moment) et les quelques mois offerts par des montres moins capables (un rythme tellement lent que l’on oublie où l’on a rangé la pile de rechange).
Pour l’atteindre, Withings a dû remplacer la pile amovible par une batterie soudée, une décision qui limite plus strictement la durée de vie du produit. L’application Health Mate invite à recharger la montre plusieurs jours avant que la montre ne doive passer dans un mode d’économie qui offre 20 jours (!) de répit, en échange d’une sévère restriction des fonctions.
Comme le palet de recharge est fait d’un plastique granuleux à la qualité d’assemblage tout juste passable, on se prendra parfois à laisser la Steel HR agir comme une simple montre pour quelques jours. La recharge ne prend heureusement qu’une heure — en comptant les cinq minutes nécessaires au bon placement de la montre sur le socle trop léger pour la soutenir correctement, et dire qu’ils osent le vendre 24,95 €…
Si elle en fait plus que les autres montres de Withings, la Steel HR en fait clairement moins que l’Apple Watch. Mais elle le fait sans demander un entretien quotidien pour maintenir ses fonctions, sans exiger un geste précis pour voir les aiguilles, sans imposer sa présence au poignet. Elle le fait d’une manière simple, d’une manière fiable, et d’une manière prolongée.
Il est donc fort dommage qu’elle ne soit disponible qu’au compte-goutte, sans doute prise dans la transition de Withings au sein de Nokia, alors qu’elle représente clairement un grand pas dans la bonne direction. Pourvu que cette situation se résolve incessamment : la concurrence, chez les partenaires de MMT et surtout dans le groupe Fossil, n’attendra pas.